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Sorties en salle du 2 mars

Vendredi, 2 mars 2018

Aujourd’hui 2 mars, trois films de fiction québécois prennent l’affiche. Trois films de femme portant sur des thématiques actuelles et sensibles, traitées sur une large gamme d’émotions évoluant du rire le plus franc aux larmes les plus chaudes. Dans Charlotte a du fun, Sophie Lorain aborde de manière frontale la sexualité adolescente à travers les rapports amoureux de quelques jeunes employés d’un magasin de jouets. Vénus, pour sa part, relate l’histoire d’une femme transsexuelle dont la vie est chamboulée par sa rencontre soudaine avec un ado qui déclare être son fils biologique. C’est Eisha Marjara qui en a assuré la mise en scène.

Voir les horaires de projections.

Également en salle à compter d’aujourd’hui, le drame intimiste Isla Blanca de Jeanne Leblanc, que nous vous avons présenté en Tapis Bleu la semaine dernière. Entretien avec la cinéaste qui réalise ici son premier long métrage.

La première question qu’on se pose en sortant du visionnement c’est la part autobiographique de l’histoire. Peux-tu nous en dire plus?

La partie la plus autobiographique serait celle de la veille de la mère. Cela a été mon cas à 19 ans, aux soins palliatifs. C’est un moment suspendu quand on veille un mourant, surtout quand on est jeune adulte. J’avais la volonté de recréer ce moment délicat ou les choses vont les choses ne vont jamais au même rythme, ou tout nous apparaît décalé. Des fois c’est trop rapide, des fois c’est trop lent, parfois les incidents deviennent subits. On est sans cesse sous le choc. Donc, oui, c’est cette partie là qui est la plus proche de mon vécu. Ce qui explique l’effet du rythme du film. J’ai l’impression que les gens qui ont baigné dans ce moment là vont s’y reconnaître et s’y identifier. Ce film porte l’empreinte le plus directement de ce moment très particulier de ma vie. C’est peut-être aussi pour ça que j’aime les sujets moins faciles… j’en ai peut-être moins peur.

Pour toi, est-ce une thérapie?

Hésitations… peut-être en le faisant. Je suis arrivé quand même à m’en détacher de cette période là. Je dois dire que j’étais avec des acteurs tellement généreux qui m’ont tellement donné que, subitement, tu t’abandonnes avec eux. Tu t’oublies toi-même. Si c’est une thérapie, c’est inconscient parce que pendant que je faisais le film, j’étais plongé avec mes collaborateurs et avec eux. C’est devenu leur histoire. Dans ma tête, tous les cinéastes, pour leur premier film, doivent avoir envie de faire sortir quelque chose d’eux, pour mieux aller ailleurs par la suite. Il y a quelque chose de viscéral qui doit sortir. Ça peut ne pas être joli, mais faut que ça sorte.

Comment as-tu travaillé avec tes comédiens?

Je pense qu’ils se sont très bien approprié mon sujet. Comme nous n’avions pas beaucoup d’argent, nous avons pris beaucoup de temps pour travailler les personnages en amont. Par couche on dépose des choses. Ça s’est fait doucement au début et comme nous avons tourné presque dans l’ordre chronologique, on a donc pu composer au fur et à mesure. On a utilisé beaucoup de nous-mêmes, pour qu’au final le film l’emporte sur ma propre expérience de vie. Nous nous sommes posé beaucoup de questions, patiemment.

Dans le film, les confrontations sont importantes. Notamment dans la scène ou le frère retient sa sœur alors qu’elle est sur le point de s’en aller. As-tu laissé une part d’improvisation à tes comédiens?

C’est la scène que l’on a travaillé de la manière la plus spéciale. Pour cette scène-là, Théodore [Pellerin, NDLR] ne savait pas le chemin à prendre. On a passé beaucoup de temps à tracer le chemin entre les différents pivots dramatiques qui jalonnent cette scène. Dans cette scène là, Charlotte [Aubin, NDLR] ne savait pas ce que Théodore allait faire. On a fit dix prises au total. Moi je savais où il allait car on avait tracé les balises ensemble. Entre chacune d’elles, je lui ai laissé son travail de comédien. On était à mi tournage, donc notre complicité était établie, je l’ai laissé faire. Je comprends ses ressorts et il comprend les miens. En face, Charlotte était très vulnérable, ce qui se traduit à l’écran par une tension permanente qui émane de son personnage. Je pense que pour atteindre ce niveau de confrontation, il fallait que l’un des deux soit gardé dans la réactivité et que l’autre puisse aller au bout de son jeu. Je ne voyais pas comment placer ça avec des mots et des respirations. Donc oui, et non, ce n’est pas tout à fait de l’impro au sens où ça n’allait pas dans tous les sens, mais ce qui est improvisé c’est le moyen d’arriver au bout du chemin, et comment Charlotte allait réagir…

Parle-nous un peu de ton processus de production. C’est un tout petit budget, non?

On a commencé le film avec un budget initial est de 50 000 dollars. Par la suite, se sont ajouté des services. À l’origine le film devait se passer dans un hôpital, mais on a changé pour que l’histoire se passe dans une maison à Saint-Hilaire [quelques scènes ont aussi été tournées au Mexique, NDLR]. Ce qui a le  plus aidé c’est que je suis assistante de réalisation dans la vie. Ce qui fait que le fait de bâtir quelque chose de cohérent, je sais me doter d’une méthode. J’étais avec un producteur hautement « willing » et audacieux. Aussi, tous les collaborateurs ont embarqué les yeux fermés. On a eu des décors à très bas prix, c’est Éric [Barbeau, le directeur artistique, NDLR] qui a cousu les rideaux, ma famille a fait de la peinture dans la maison, ce sont des amis qui faisaient les lunchs… j’ai l’habitude de structurer ces choses là. Quand on fait un film sans argent à ce point, il faut quand même avoir une méthode cohérente et s’y tenir. Une chose me marque beaucoup lorsque l’on regarde les carrières des grands réalisateurs. On constate que sur le résultat final, la méthode est souvent plus forte que le réalisateur lui-même. Cassavetes, Hitchcock, tous, avaient leur propre méthode et savaient exactement comment tourner pour arriver à leurs fins. À mon avis, une  méthode homogène donne un film homogène. Pour Isla Blanca, tout le monde a embarqué. Je les remercie infiniment.

 

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